C’était sa valise. Celle qu’il a utilisé les dernières années de sa vie professionnelle. Cette vie où, si tu n’avais pas su son nom, tu l’aurais appelé Paul Emploi. Mais ce Paul Emploi là, c’était mon papa.
Aujourd’hui je vais te parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître comme dirait le chanteur. Celui où Assedics et ANPE ne faisaient pas encore UN. Lui travaillait aux Assedics. Il était fier de son métier, “enquêteur social” avait-il répondu à ce Monsieur de l’INSEE venu un soir pour le recensement à la maison.
Sa valise figurait sur tous les dessins que je faisais le représentant. Cette valise qu’il ouvrait souvent les veilles de commission pour défendre becs et ongles “ses” chômeurs en fin de droits, pour qu’ils aient encore les “allocs” un mois de plus.
Comme le vieux de Daniel Guichard, on l’entendait gueuler un peu des changements dans le traitement des “dossiers”, “mais ils ne se rendent pas compte, c’est des gens qu’on a en face de nous, pas des numéros“. Il mettait ses convictions, ses valeurs en pratique dans sa vie professionnelle. Il avait un rigueur et un professionnalisme que j’ai rarement rencontrés dans ma vie.
Je me souviens de ses anecdotes de travail, l’odeur de cuir de son ancienne valise en cuir marron et le jour où il a choisit celle-ci et où il m’a fait choisir le code.
Cette valise est dans le couloir près de ma chambre. Je ne sais pas la jeter. Ce n’est que l’an dernier que j’ai réussi à l’ouvrir alors que le code, je m’en suis toujours souvenu. Je n’aurais pas su avant. Moi la nana de 39 ans, mère de famille. Il m’avait fallu 24 ans pour l’ouvrir.
Y découvrir ses notes de travail, son écriture fine, ses pleins et déliés, ont fait remonter les souvenirs des jours heureux et des autres jours aussi, les larmes me sont montées aux yeux.
Tomber sur ces lettres envoyées par les mairies des différents hôtels de ville où il a tenu permanence pendant tant d’années, lettres le remerciant pour son professionnalisme et le coeur qu’il mettait au service des chômeurs. Permanences qu’il a dû quitter par décision d’un nouveau dirlot qui n’aimait pas trop ce mec trop pro-chômeur et qui l’a remis vite fait au siège pour ses dernières années de travail.
Je me suis souvenu alors du “Petit Jérôme”.
Eté 1991 : voici presque un an que Papa est parti. On sonne à la porte. Maman ouvre et là se tient le “Petit Jérôme”. “Bonjour J., je suis venu voir Jean-Marie, je m’excuse de ne pas être passé depuis un moment, ma mère a été très malade et j’ai enfin trouvé quelqu’un avec qui je vais me marier”. Maman lui explique alors que Jean-Marie n’est plus depuis presque un an, la maladie a eu raison de lui. Le Petit Jérôme a eu les yeux qui se sont remplis de larmes. Pudique comme il l’était, il a juste dit “oh J. …” et il est parti. Nous ne l’avons plus jamais revu.
Le Petit Jérôme était un ancien chômeur de longue durée. En fin de droits, mon père s’était battu pour lui en commission et avait obtenu un mois de plus de paiement. C’est ce mois-là que le Petit Jérôme a retrouvé un emploi. Il a économisé et a pu reprendre un garage en tant que patron. Ne sachant comme remercier mon père, il lui entretenait sa voiture et ils se disputaient gentiment à chaque fois, mon père voulant le payer et lui refusant “tu m’as tendu la main Jean-Marie, quand j’étais désespéré”.
Oui tous les Paul Emploi ne sont pas comme ça, je le sais pour avoir connu moi-même le chômage. Mais pour avoir connu l’envers du décor, je sais aussi que les Paul Emploi ne font pas forcément ce qu’ils veulent.
Et moi, mon Paul Emploi restera à tout jamais mon Papa
(25 ans qu’il est parti quasiment jour pour jour et qu’il me manque toujours autant)
joli article, joli papa avec un coeur qui a laissé une trace derrière lui …
Merci <3
Je suis toute retournée en lisant ton article. Tu rends un bel hommage à ton papa. Le mien est parti il y a 4 ans et je ne serai pas capable d’écrire sur lui comme tu le fais. Je n’en ai pas la force, ça fait trop mal…
C’est aussi plus récent pour ton papa…courage à toi <3
[…] C'était sa valise. Celle qu'il a utilisé les dernières années de sa vie professionnelle. Cette vie où, si tu n'avais pas su son nom, tu l'aurais appelé Pau […]
<3 un joli hommage à ton papa
Merci !
Quel bel hommage à ton papa….
Un homme très bien, comme il en faudrait bien plus, quelqu’un qui se soucie des autres et qui se bat pour les moins chanceux.
Gros bisous ma belle
Merci <3
Superbe article… très émouvant…
Merci
C’est très touchant. Ton papa était une personne avec de vraies valeurs et surtout un énorme cœur… Les personnes comme lui sont rares. Tu lui a rendu un très bel hommage à travers ce billet.
Merci pour lui.
quel joli hommage
Merci !
je suis très touché par ce joli hommage a ton papa, il est plein d’amour et de tendresse, un bel article, je n’écris que rarement sur les blog mais là je suis très émue
Merci !
oh mince tu m’as fait pleurer dès le matin…Ton père était une grande âme. il a fait quelque chose de bien. Bravo à lui.
étonnamment aujourd’hui ce n’est plus vraiment ça. Un jour j’ai essayé de postuler chez Pole Emploi. Je leur ai dit: j’aimerai aider et motiver les gens à trouver un emploi.
Ca n’a pas plu je pense. J’aurai dû dire: Bonjour, j’aimerai travailler 28h/semaine payé en 35h et traiter un maximum de numéros.
Lui travaillait officiellement 39h mais plus en vérité…
Touchant hommage à ton papa je dois avouer.
L’idée « mais ils ne se rendent pas compte, c’est des gens qu’on a en face de nous, pas des numéros« je la plussoie, dans notre société où j’ai l’impression que chaque personne devient impersonnelle (et je ne parle pas que des administrations…).
Difficile d’en parler quand on n’a pas été dans ce cas, mais j’imagine que le perdre aussi jeune n’a pas aidé à accepter son départ, et le temps qu’il t’a fallu pour ouvrir cette “valise” qui était la sienne, je pense que c’est à la mesure de ton amour pour lui.
Oui je n’avais que 14 ans, ce fut hard !
[…] de l’équitation et mon père était mon professeur particulier (ce n’était pas sa profession, je précise !), je ne suis pas allée au manège […]
[…] jeune j’étais une bosseuse acharnée, notamment pendant mes études (pour oublier la mort de mon père je me suis noyée dans les études) et mes premières années de travail. Perfectionniste, je me […]