Maman,

Je t’écris d’ici, un jour de pluie mouillant mes vitres. Le confinement est revenu pour tous mais ça fait bientôt deux mois que toi, tu le subis, même pire, depuis même huit mois.

Pas facile pour moi depuis mars quand j’entends parler de tous ces morts dans les EHPAD. J’ai peur pour toi. J’ai peur car souvent je ne sais pas ce qui se passe. Je sais que le personnel fait de son mieux mais savoir que du personnel positif au COVID te soigne m’inquiète… “et si….?”, voilà ce qui rôde dans ma tête.

Je ne compte plus ces coups de fil dans le vide, ses appels baladés de service en service sans entendre, au bout du compte, le son de ta voix.

Cet isolement forcé que tu vis, c’est savoir que les maigres joies dans une vie en EHPAD te sont, vous sont retirés.

Finis les visites régulières des familles, il faut attendre notre tour comme à confesse. Deux personnes ont le droit de te voir, 30 mn, seulement le vendredi ou le samedi, s’il reste de la place…deux autres familles dans la même pièce. Samedi, ton regard qui fuyait, distrait d’entendre les autres si proches de nous…
Finis les dimanches après-midis où tu guettais le cliquetis de l’ascenseur, annonçant quelques heures de bonheur avec tes enfants et petits-enfants.
Finis les gaufres dégustées à l’estaminet, le marché artisanal de l’association de l’EHPAD, le marché de Noël à Lille, les vacances dans les Flandres.
Finis mes monologues sans fin à te raconter ma vie dans les moindres détails, à te raconter nos menus soucis, à te voir jouer avec tes petits-enfants.
Finis les bénévoles et leur bonne humeur qui mettent tant d’énergie à vous proposer des activités : chorale, jeux de société, estaminet, tout ça est terminé depuis huit mois déjà. Ils ont peur, peu viennent encore, quand on les y autorise.

C’est une vie en suspens que tu as repris, que nous connaissons tous à cause d’une chose microscopique mais qui nous tiens sous son emprise.

En sortirons-nous tous vivants ? En sortirons-nous indemne totalement ou en tirerons-nous quelques enseignements ? Moi j’ai encore plus appris à inscrire nos instants à deux comme, peut-être le chant du cygne de notre amour mère/fille…

Au revoir, Maman, rdv le 28… peut-être…

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