je ne suis pas heureuse

Je ne suis pas heureuse… voilà les mots sont lâchés et les larmes ont coulé. De petits ruisseaux, les larmes ont coulé ensuite à flots, en grande rivière, chavirant tout le monde autour, petits et grands…des petits yeux étonnés…des grands yeux quasi blasés de mon mari.

Je ne suis pas heureuse…cette phrase qui tombe comme un couperet, comme ça, au beau milieu d’un instant qui aurait dû être joyeux, au coeur de retrouvailles, au coeur d’une fête.

Je ne suis pas heureuse…ces mots dans la bouche d’une mère qui a oublié d’être femme, qui s’est noyée dans sa famille, dans sa maternité, qu’on a spolié, qu’on a maltraité, non pas des coups mais par des mots…

Je ne suis pas heureuse…des mots qui sortent comme un soulagement mais qui finalement ne feront bouger personne…ni celle qui le dit ni son entourage…parce qu’il a trop de choses, trop de blessures en chacun, trop de pressions par nos vies à 100 à l’heure…Parce qu’on ne vit plus, on court. Et dans notre course contre le temps, il n’y a plus de place pour ceux en souffrance physique ou mentale.

Je ne suis pas heureuse…qui moi ? Doit-on s’arrêter aux apparences pour juger qu’une personne est heureuse ou pas ? On devrait arrêter de faire la liste des possessions des personnes pour juger de son niveau de bonheur.

Je ne suis pas heureuse…ce sont ses mots à elle, celle qui m’a donnée la vie et qui a fait couler mes larmes quand elle ne l’a dit dimanche dernier. Ses larmes ont fait couler les miennes car je me sens si impuissante quand je vois son isolement. Ma culpabilité qui ressurgit, le mal au coeur quand j’arpente les couloirs où elle passe en fauteuil roulant…

Elle si seule mais pourtant entourée de gens du 4ème âge. Seule à 63 ans en EHPAD. Seule parce qu’on a aussi réduit les personnels, 2 aide-soignants pour 24 résidents,dépendants forcément, ils n’ont plus le temps. Seule aussi parce que ses deux soeurs ne vont quasiment plus la voir...Seuls, ils le sont tous, enfermés dans leur solitude, malgré leurs fauteuils roulants disposés les uns à côté des autres…Seuls et en souffrance, enfermés au sein de leurs corps défaillants….

“Elle” n’est pas heureuse…elle est si jeune encore pourtant…et malheureuse depuis si longtemps.