Aujourd’hui, ça fait quatre semaines que le Président de la République a décidé de nous confiner afin de lutter contre l’épidémie du Covid 19. Dès le départ, je sentais que ça allait durer un mois minimum. Nous avons appris hier soir que nous repartons pour un deuxième mois, peut-être le dernier. Ou pas… Voici donc mon journal d’une maman confinée, mois 1 !

Le pré-confinement

Jeudi 12 mars, 20h.
Nous sommes encore à table, l’ado dans sa grotte. Il sort de sa chambre en hurlant “Augustin vient de m’appeler en disant “Merci Manu…il a fermé le collège”“.

On s’en doutait mais l’entendre… l’inquiétude commence à se faire sentir, je pense de suite à ma maman que j’ai vu le jour de la fête des Grands-mères. Pourra-t-on la voir le 29 pour ses 70 ans ? J’espère encore pouvoir au moins lui faire un coucou rapide ce jour là.

Dimanche 15 mars après-midi.
Mon portable sonne, c’est ma mère. Elle me dit que ça va. Je la rassure sur notre santé. Elle me passe ensuite l’infirmier. Je lui demande comment ça va chez eux et si une visite serait possible le 29. Il me dit qu’ils envisagent le confinement à long terme. Depuis le matin, il appelle chaque famille pour leur dire de ne plus venir jusqu’à nouvel ordre. Déjà à bout de nerfs, il me parle du téléphone qui sonne sans arrêt “pour prendre des nouvelles mais nous ça nous empêche de bien nous occuper des patients”. Il me prévient qu’une permanence téléphonique sera mise en place, je recevrais les instructions par courrier. Mais il demande de ne plus appeler sur le numéro habituel.

Semaine 1 du confinement

On a décidé avec Chéri de tenir un semblant d’emploi du temps. Lever à 7h45 pour nous, 8h pour les mômes. Petit déj puis école/travail pour nous 2. Il ne devait être en travail à domicile que les trois premiers jours. Il apprend dans la matinée qu’il ne doit plus se rendre au travail, il fera son travail à domicile.

Pas encore d’instructions de l’école et du collège. La miss veut mettre en place les rituels de l’école. On s’y plie et je leur fais faire une dictée tous les matins de cette première semaine. On fait également du sport, on regarde des applis culturelles, on gère à mort sur tous les fronts.

Jeudi 22 mars
Le travail scolaire arrive enfin, les couacs informatiques aussi. Les garçons ont du boulot qui arrive de façon décousue sur x applications, ils ont du mal à s’y retrouver. La miss reçoit un plan de travail les lundis et jeudis et les corrections le vendredi quand je dis qu’elle a fini son travail.

On se rend à sa 2ème séance de kiné de la semaine. Elle nous apprend que la kiné est reportée dans son cas. Donc pour suivre les demandes de la rhumatologue, il faudra faire nous même les séances. On s’y préparait déjà depuis la semaine dernière. On saura faire.

Chéri est submergé de travail. Moi j’arrive encore à jongler entre école à la maison, kiné à la maison et travail freelance.

On a nettoyé le salon de jardin, c’est pauses au jardin plusieurs fois par jour.

Vendredi 23 mars
Le courrier de l’EHPAD arrive. Un numéro de téléphone est donné. Un courrier mal rédigé avec le recul car je pense alors que les conversations Skype sont réservées aux résidents d’un autre EHPAD. Erreur, c’était aussi pour celui de Maman. J’appelle tous les jours. Il n’y a même pas de sonnerie. Je n’ose pas appeler l’ancien numéro de peur de me faire enguirlander…

Côté ambiance, j’avais peur en ce début de confinement pour mes deux derniers. Ces dernières semaines, ils se disputaient énormément, limite “guerre des tranchées”, chacun campant sur ses positions, sans négociations. Miracle, plus de disputes ! On n’a même jamais autant rigolé en famille ! et on n’a jamais autant vu l’ado en bas haha !

Semaine 2

L’emploi du temps est bien rodé. En revanche, les enfants sont plus en demande d’aide que la semaine dernière. On ne met plus le nez dehors sauf que les médicaments. On se fait livrer les courses. Je commence à bosser à 11h40… Vite bosser un peu, s’arrêter pour manger, leur redonner du boulot, être multitâches, un oeil sur le PC, l’autre sur leurs feuilles d’exercices…

On commence à faire un peu moins de sport que la semaine dernière. Il fait beau, on plante la tente dans le jardin.

Le fait que je ne puisse pas avoir des nouvelles de ma mère commence à me peser. On oublie certains jours de faire la kiné…

Dimanche 29 mars.
Pincement au coeur en me réveillant. Aujourd’hui on aurait dû aller chercher mes tantes puis ma mère. Aller fêter au resto ses 70 ans. Le numéro de téléphone sonne dans le vide.
14 h : une coup de fil de l’une de mes tantes depuis son portable. Sa soeur est au téléphone avec Maman sur leur fixe ! Ma tante a appelé “l’ancien” numéro. Maman va bien. Pleurs de joie qui ne tarissent pas. Purée que c’est dur cette journée !

Côté ambiance, ça se passe plutôt bien avec mes quatre amours.

Semaine 3

Mercredi 1er avril
La maîtresse de la miss a envoyé une vidéo, elle en réclame une de ses petits élèves. On s’exécute de bonne grâce. Les enfants ont préparé plein de poissons d’avril, ils s’en donnent à coeur joie.

Depuis le début de la semaine j’appele le numéro “d’avant” de l’EHPAD. Soit ça ne décroche jamais, soit on me raccroche au nez sans un mot. Dur dur !

Dimanche 5 avril
J’en ai marre d’appeler dans le vide. Je m’exécute encore une fois, entre rage et désespoir. Miracle, ça décroche ! Pour la première fois en 10 ans, je ne la laisse pas parler, j’exige de parler à ma mère. Trois semaines que je n’ai pas entendu le son de sa voix ! 8 petites minutes de conversations. Elle reçoit les lettres que je lui poste, une semaine après envoi. Elle m’en remercie de suite. Le confinement lui pèse mais tout va bien. Personne n’est touchée là-bas. Ouf !

On trinque, on mange dehors tous les midis. On mesure notre chance d’avoir un extérieur, même petit.

Ça n’empêche pas l’inquiétude faire son nid dans mon esprit. Je commence à baliser à chaque annonce des chiffres même si j’évite les infos en continu. L’ado lui reste connecté presque H24 aux infos. J’ai peur. Pour eux, pour lui, pour elles, pour mes tantes.

Semaine 4

On pourrait appeler cette semaine “le chemin de croix des devoirs” (le pire, c’est que c’était la Semaine Sainte O_o je n’ai pas fait exprès ce jeu de mots).

Toute la semaine, j’ai commencé mon travail vers 16h30. Ça devient hard ! Je craque nerveusement plusieurs fois cette semaine ! Le rythme est hyper soutenu vu que Chéri travaille énormément. Gloups !

L’ambiance se dégrade un peu : plus de disputes entre les enfants, des agacements généraux entre tous… fatigue, quand tu nous tiens !

L’ado a 3 tonnes de quizz à faire, de l’anglais, de l’histoire… je suis même réquisitionnée pour la trigonométrie, malheur à moi, pauvre littéraire que je suis !

La miss a du mal cette semaine, pleurs, maux de tête et de ventre sont de retour !

Vendredi 10 avril
Le pire c’est le deuz ! Bienvenue dans le monde merveilleux de la puberté ! Les signes physiques sont là mais surtout les signes “mentaux” ! Je m’aperçois qu’il n’a pas rendu plusieurs de ses travaux (malgré ses “oui oui c’est fait”), il fractionne tellement son travail qu’il oublie ce qu’il n’a pas fait quand il en reçoit d’autres. Il en a assumé les conséquences, il a passé sa journée à faire de l’histoire ! Grrrr ! je vous passe le côté “Caliméro” hein…

C’est alors que dans l’après-midi, alors que je m’apprête à envoyer la récitation de la poésie de la miss en vidéo à sa maîtresse, je clique machinalement sur un email. Mon visage est inondé de larmes ! Ça vient de l’EHPAD !

C’est une newsletter, racontant ce qui se passe là-bas, les belles iniatives autour des anciens (des restos leur fournissent des repas, des croissants de la part d’une boulangerie…). J’apprends qu’il y a un email pour leur écrire (chose que je ne savais pas), que 55 résidents ont pu voir leur famille par Skype (familles plus futes futes que moi qui ai fait le mouton suite au courrier de la première semaine). Je pleure de joie de lire tout ça, les belles choses qui se passent là-bas mais aussi sur moi qui n’ai pas pensé à me renseigner plus pour pouvoir contacter ma mère. Quand je l’ai eu au téléphone du dimanche j’ai tellement été surprise que j’ai surtout discuté avec elle. Je n’ai pas pensé à demander à parler au personnel pour expliquer mes soucis pour avoir des nouvelles 🙁

Dimanche 12 avril

Pâques. La chasse aux oeufs qui tourne à la guérilla entre les enfants O_o heureusement le premier barbecue de l’année a apaisé les tensions. La miss nous avait fabriqué plein de décos qui ont mis un air de fête dans la maison.

Je pressens un deuxième mois de confinement. Je ne me suis pas trompée…

On se retrouve dans un mois pour la suite…

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