mer déchainée

SOurce : FlickR. Crédit : Alexandre Galbiati

Comment expliquer, comment décrire, comment parler de cette mère-là ? Elle me ronge, me submerge comme la marée haute : la colère. Je suis trop souvent à mon goût cette mère en colère. Une mère dont je ne veux pas pour mes mômes…

Ce pour quoi je lutte

Je ne veux pas qu’ils disent de moi que je ne suis que colère. Je ne veux pas qu’ils gardent cette image de moi quand je serai partie vers cet ailleurs inconnu.

Pourtant je pense au fond de mon coeur que c’est l’image qu’ils ont de moi. De ce démon en moi. Ce démon qui hurle. Longtemps j’ai cherché à étouffer cette colère. Mais cette émotion ronge si elle ne s’exprime pas, elle demande réparation.

Elle cache un océan d’émotions non exprimées, souvent enfouies que je me dois de digérer. Pour eux oui. Mais pour moi aussi.

Après la naissance de WonderKid, rongée d’inquiétude pour ma mère, j’ai tenté de trouver les réponses, de trouver les émotions du passé et du présent.

J’ai trouvé des réponses dans mon passé : les absences de mon père qui soignait sur son temps libre ses parents en fin de vie. Je passais en dernier, après le travail, après les grands-parents, après le travail de la maison. Il pensait qu’il rattraperait le temps perdu quand ses parents ne seraient plus là. Il ne savait pas qu’il mourrait un an après eux.

J’ai tu ces premières colères car ce n’était pas bien d’en vouloir à quelqu’un de si généreux, pas bien d’être jalouse de personnes en fin de vie. Moi je n’étais qu’une ado qui voulait profiter juste un peu de son père, qui voulait retrouver cette complicité de l’enfance…

Cette colère, je l’ai exprimé un peu après sa mort, face à l’injustice de cette mort prématurée. Je me suis apaisée, j’ai grandi et un jour je suis tombée enceinte.

Une grossesse qui, je le savais d’avance, serait sous surveillance. 10 ans après, je n’ai pas peur de dire que c’est la pire de celles que j’ai connue (malgré les joies des échos, de la préparation de sa venue, la joie d’apprendre que c’était un garçon). Un stress médical de tous les instants dès 4 mois de grossesse, cette mise en travail inexpliquée à 6 mois de grossesse, cette lutte de 7 semaines contre la prématurité. L’isolement, l’enfermement dans 9 m2 avec interdiction de sortir dans le couloir. La colère refoulée, la tristesse a commencé son travail de sape au bout de 5 semaines. J’ai tenu bon, m’habillant malgré tout, m’épilant, me raccrochant à ma dignité de femme malgré l’alitement. Je n’ai pas voulu céder à la colère de la situation. Pourtant, elle était injuste cette situation ! J’avais pris toutes les précautions du monde pour que cette grossesse se passe bien et non. Rien ne s’est bien passé.

Ma mère qui a commencé à débloquer en même temps. Ce poids immense depuis 6 ans d’être devenue la mère de ma mère. Un poids bien ancien car en fait, j’ai repris le rôle de mon père, moi l’ado de 14 ans. Mais depuis 6 ans, ma mère refuse de vivre. Elle m’a abandonnée alors que, même maman, j’avais et j’ai besoin de son soutien.

La colère contre ceux qui refusent de tendre la main “c’est le rôle de ta mère, elle ne veut pas ? tant pis pour toi“. Refouler la colère parce que ça ne se fait pas, parce qu’il faut aussi maintenir un réseau social familial et amical, parce qu’il faut montrer aussi l’exemple aux mômes.

Les moyens de lutter

La parole thérapeutique a suffi un peu mais le démon revient souvent. Je sais que la fatigue est mon pire ennemi, ma tendance perfectionniste aussi, mon envie d’être la hauteur des attentes des autres aussi.

Ma formation en éducation bienveillante m’a aidé mais je sais que c’est un travail de toute une vie pour moi. Depuis 6 ans, je lis énormément, pour la comprendre au départ (je recommande le livre de Filliozat Que se passe-t-il en moi ? sur ce sujet), pour gérer mes sentiments, pour les aider à s’épanouir de façon respectueuse.

Je suis pleine de bonne volonté quand je lis tout ça, quand je suis seule en journée à travailler et puis ils rentrent. Je me prends leurs émotions en pleine face, je n’arrive pas à ne pas me laisser absorber contre leurs sentiments négatifs. Et là, la mère colère revient.

Je me sens souvent comme la mer dont le flux et reflux de la marée change d’instant en instant.

Mon aîné avec qui je suis souvent en désaccord est finalement celui le plus semblable à moi émotionnellement.  C’est pourtant avec lui que j’ai le plus de mal à gérer les tempêtes émotionnelles. Je n’ai pas encore trouvé ce qui fonctionne le mieux avec lui dans nos conflits. Heureusement que nos discussions le soir nous rapprochent et nous soudent.

Mon deuxième est semblable à celle que j’étais au même âge, rêveuse, solitaire, qui fait tout lentement. Il a une mère qui speede tout le temps, qui a du mal parfois avec cet enfant si différent de son présent. Heureusement qu’il y a le jeu comme moyen de reconnexion, ce temps de jeu que j’ai temps du mal à caser dans nos emplois du temps surchargés.

Ma fille est celle que j’étais jeune adulte : responsable, serviable. Elle a eu la chance d’être arrivée au bon moment, où j’avais déjà mis en route les préceptes de bienveillance éducative avec une pointe de Montessori. Mais il y a eu aussi des clivages avec elle, peu nombreux c’est vrai. Heureusement qu’il a cette complicité mère/fille qui nous rapproche : les princesses, les habits, les bijoux, oui du futile mais dont elle est si fière de partager avec moi.

Mais pour prendre soin de mes mômes, je dois prendre soin de moi. Laisser la colère s’échapper pour laisser s’exprimer l’émotion qu’elle cache le plus souvent : la tristesse, la peur du jugement des autres, d’être jugé “mauvaise mère”, la frustration de ne pas pouvoir suivre mes inspirations les plus profondes, la sensation d’abandon, le manque de relations sociales (le pire aspect du fait de bosser à la maison).

Trouver les moyens de voir le positif en tenant un carnet de gratitude (merci Florence Servan-Schreiber et son livre 3 kifs par jour) – mais j’oublie souvent le soir de le remplir, je m’écroule dans mon lit dès que 22h sonne.
Instaurer le rituel de célébration à table où chacun partage entre 1 et 3 meilleurs moments de sa journée (merci Christine Lewicki et sa série d’ouvrage J’arrête de râler… je n’ai pas encore réussi à passer le cap des 21 jours mais j’y travaille).
Travailler en mon for intérieur sur les Quatre accords toltèques de don Miguel Ruiz (mais que c’est dur ;-))

Cette automne, au coeur de problèmes personnels j’ai découvert la méditation de pleine conscience qui m’est d’une grande aide chaque jour pour mieux gérer les pensées et émotions négatives. Elle m’a permis de ne pas sombrer dans la dépression. Respirer, se concentrer sur l’instant présent, c’est mon travail de chaque jour. J’ai découvert deux auteurs qui m’aident beaucoup dans mon cheminement : Christophe André (Méditer jour après jour) et Jon Kabat-Zinn (A chaque jour ses prodiges)

Limiter mes actions quotidiennes, prendre soin de mon apparence et de mon corps m’aide aussi à lutter contre cette mère colère ou plutôt pour éviter qu’elle ne déborde sur la mère calme que je souhaite être le plus souvent.

Apprendre à dire non sera mon prochain défi.

Et toi, as-tu une mère colère en toi ?

******************************************************************************************************************************

macaron-53billetsen2015

C’était ma participation au rdv #53billetsen2015 d’Agoaye sur le thème “ce pour quoi je lutte“.